lundi 6 mars 2017

Joal-Fadiouth

Salut! C'est François!

En se levant cette journée-là, Marie-Pascale avait toujours aussi mal à la gorge après avoir toussé toute la nuit et moi j'avais le nez qui coulait comme un érable au printemps! On faisait une belle paire d'éclopés!

Après un agréable petit déjeuner, on a quitté à regret le Bazouk du Saloum avec la pirogue de 10h... Sincèrement, c'est une superbe adresse dans un cadre naturel étonnant, et on y serait bien restés une nuit de plus. Avis aux intéressés! En guise d'au revoir, on a pu revoir de nombreux oiseaux nichés dans la mangrove tout au long du trajet en bateau qui nous ramenait à N'Dangane... Cette fois, c'est au village de pêcheur de N'dangane Sambou qu'on débarquait, car c'est là que se trouvaient les véhicules pouvant nous amener vers notre prochaine destination, Joal-Fadiouth.

Après avoir acheté le nécessaire pour survivre au voyage (i.e. de l'eau et les merveilleuses pastilles sénégalaises Valda contre le mal de gorge - 40 cennes le paquet!), on a négocié le prix de notre course et on est partis avec deux autres backpackers en taxi-brousse. Vous l'aurez deviné: un taxi-brousse, c'est un taxi collectif dont la spécialité est de desservir des localités un peu isolées, reliées entre elles par des pistes. Et il portait bien son nom, car la route entre N'dangane et Joal-Fadiouth n'était guère plus qu'une track de 4-roues un peu aplanie qui zigzaguait à travers la savane! Ce qui nous a évidemment permis de voir de très jolis paysages de brousse de même que quelques villages égrenés le long du chemin. C'était, disons, des villages rustiques: la plupart des habitations étaient des huttes de boue séchée avec un toit en paille (on appelle ça des cases ici)! En tant qu'Occidentaux, on a souvent  beaucoup d'idées préconçues de ce qu'est l'Afrique, tout comme par exemple certains Européens croient que les tipis et les igloos sont monnaie courante au Québec. Beaucoup de ces stéréotypes ne correspondent pas à la réalité, mais il y en a au moins 2 qui sont véridiques au Sénégal: le fait qu'il y a vraiment des villages de huttes de pailles et le fait que les femmes qui transportent toutes sortes d'objets invraisemblables sur leur tête!

Après un certain moment, près d'un village, un gendarme a contraint notre chauffeur à s'arrêter. Sans stress aucun, ce dernier s'est alors dirigé vers la voiture de patrouille, y est resté 2 secondes puis on est repartis. "Tu leur files un billet, et voilà!" de répondre notre chauffeur devant nos airs interrogatifs. La corruption est bien présente dans ce pays! 

On est finalement arrivés à Joal, un gros bourg en bord de mer, non sans avoir au préalable essuyé une véritable tempête de poussière aux abords de la ville! Heureusement, notre chauffeur nous confirmé que ce n'était pas toujours comme ça! En entrant en ville, on traverse une vaste plaine jonchée de détritus. Une pancarte bien dérisoire indique qu'il est désormais formellement interdit d'y jeter des ordures, mais disons que le mal est déjà fait...

Après avoir laissé les 2 backpackers français à la gare routière (les premiers qu'on rencontre dans le voyage), notre taxi-brousse s'est transformé en "clando" pour aller nous reconduire à Fadiouth, un peu plus loin. Un "clando", c'est un taxi clandestin qui pallie au manque de transport en commun dans certaines villes mal desservies comme Joal. Et il en rentre du monde! À un moment, on était 4 sur la banquette arrière, et 3 sur le siège passager à l'avant (dont un bébé)! 

Le chauffeur nous a laissé au bout de la route, là où se trouve Fadiouth. On a pris les services d'un guide (obligatoire pour les touristes), puis on est partis explorer cette curiosité sénégalaise. Fadiouth est en fait une île habitée située dans la mangrove. Jusque là, rien de bien nouveau. Néanmoins, il s'agit d'une île artificielle constituée uniquement de... coquillages! En effet, depuis le 4e siècle, les ancêtres des habitants actuels ont commencé à pêcher, consommer et entasser des coques là où se trouve aujourd'hui  Fadiouth. Au fil des siècles, l'île a grossi pour donner naissance au site qui existe aujourd'hui. Celui-ci repose sur des tonnes et des tonnes de coquillages empilés pendant plus de 1500 ans! Et on en ajoute continuellement. Un peu hallucinant!

On accède à l'île via une longue passerelle de bois. Sur place, l'île en tant que telle est divisée en petits quartiers possédant tous leur saint patron. Car, contrairement au reste du Sénégal, l'île est à 90% catholique. Musulmans et chrétiens coexistent néanmoins dans une grande harmonie, les premiers ayant notamment mis la main à la pâte pour construire l'église de l'île aux côtés de leurs frères catholiques. Au milieu de l'île se trouve également un énorme baobab sacré. Ici, tant musulmans que chrétiens sont aussi un peu animistes et entretiennent le culte des ancêtres symbolisé ici par l'arbre en question. Les gens du coin vivent de la récolte des coques et des huitres, et cultivent également le sorgho dans des champs voisins. Anciennement, leur sorgho séchait dans des petits greniers à mil en paille disséminés dans la mangrove, limitant ainsi les dégâts causés feux et les rats!

Non contents d'avoir créé une île de coquillage pour héberger leurs semblables, les habitants en ont au fil du temps créé une seconde pour leurs morts. L'île-cimetière de Fadiouth, également constituée de coquillages, consiste en plusieurs monticules d'une blancheur immaculée couverts de croix et parsemée de baobabs. C'est vraiment un magnifique endroit. Les musulmans sont enterrés à côté des chrétiens, perpétuant dans la mort la coexistence pacifique qui a été la leur dans la vie. À méditer!

On a terminé la visite par un passage par l'endroit où sont conservés les animaux. Le cochon s'ajoutait à l'habituel cocktail vaches-chèvres-ânes-poulets, christianisme oblige! Puis, on a laissé notre gentil guide pour aller diner dans le seul resto de l'île. On y a mangé les meilleures brochettes de lotte du voyage de même qu'un désormais classique yassa poulet. Le diner nous a requinqués un peu, car en raison de nos virus respectifs, ce n'était pas la grande forme...

De retour sur la terre ferme, on a pris un autre "clando" vers le "garage", le nom que les Sénégalais donnent aux gares routières. On se rendait à Toubab Dialaw, près de Dakar, et on a attendu un bon moment que notre sept-places ne se remplisse. Il faut dire qu'on était à l'heure de la prière, et qu'il n'y avait pas foule! Pendant ce temps, on a tué le temps en jasant avec Ahmed, un pêcheur de Casamance de passage à Joal visiblement intrigué par les toubabs en sacs à dos que nous étions!

Enfin, on est partis. Même si la voiture était en meilleur état que celle qui nous a amené de St-Louis à Dakar, il faisait tout de même affreusement chaud, nous étions bien poisseux et on avalait en masse de poussière! Le tout avec le rhume, c'était vraiment un mélange à tout casser! On n'était donc pas fâchés d'arriver, 2h plus tard, à une gare d'une village sans intérêt d'où on devait changer pour Toubab Dialaw, un petit bled en bord de mer où on allait dormir. Ce fut heureusement assez facile de trouver un clando pour nous y amener. Le gars était bien affable et se faisait un point d'honneur d'agir comme guide touristique en nous indiquant tout ce qu'il y avait sur la route! "Ça, c'est le lycée du village de Yene" "Ça c'est la résidence d'un ministre" etc., etc.!

Finalement, on est arrivés à l'Espace Sobo-Badé, un magnifique hôtel sis sur une falaise face à la mer où on allait passer deux nuits. On était claqués par le transport, et la toux de Mémé s'était à nouveau aggravée, emportant avec elle son moral (chose très grave quand on voyage avec elle, croyez-moi). On s'est donc mis en tête de trouver du sirop contre la toux à la pharmacie locale, opération qui fut étonnamment facile et qui donna par la suite d'excellents résultats! Sur le chemin, on en a profité pour acheter de l'eau glacée! Juste entre Joal et Toubab Dialaw, on avait calé à deux un 1,5L d'eau! 

Ensuite, on a regardé le coucher de soleil devant la mer, en mouchant et en toussant. Deux épaves dans un cadre enchanteur haha! On a soupé au resto de l'hôtel, où on a rencontré une bande de sympathiques jeunes Français qui avaient pris les Québécois en affection et étaient ravis de nous voir sortir des expressions bien de chez nous! On a agi en vrais toubabs en commandant des plats connus et réconfortants pour soigner notre rhume: un bon vieux spagat et des rouleaux impériaux aux légumes. On s'est donné le droit après près de deux semaines de bouffe presque exclusivement sénégalaise! On est ensuite tombés comme des bûches! 

Avant de vous quitter, voici quelques observations pêle-mêle sur le Sénégal!

- Ici, les gens se curent les dents partout avec des bouts de bois. Genre avec des morceaux de branche. C'est un peu bizarre pour les non-initiés de voir des gens dans la rue et dans l'autobus se gosser vigoureusement les dents avec du bois mort, et mâchonner ensuite longuement leur tige jusqu'à ce qu'il n'en reste qu'un chouia sans écorce.

- À Dakar, des coupeurs de cheveux ambulants annoncent leurs services dans la rue en faisant tinter leurs ciseaux!

- Les Sénégalais écrivent parfois "au son" en français, ce qui donne des résultats amusants. Des devantures de magasins annoncent ainsi du "poulè en soce" et des "chanduiches", par exemple!

- On a vu au moins deux terrains vagues portant l'inscription "ce terrain n'est pas à vendre" suivi d'un numéro de téléphone. On ne sait pas trop pourquoi le gars précise ses coordonnées. Question que les gens lui signalent leur intention de ne pas acheter le terrain?

- L'islam est très tolérant au Sénégal. Ça donne un mélange des genres étonnant, comme des femmes voilées affichant des décolletés plongeants ou portant des chandails bedaine!

- Pour les standards des pays en développement, les conducteurs sénégalais sont bien prudents sur les routes. Pas de dépassements débiles dans des courbes alors qu'un camion arrive en face, par exemple!

- Il y a un village au Sénégal qui s'appelle Pire. Le village voisin ne s'appelle pas Mieux par contre!

- Pour une raison qu'on ignore, les couchers de soleil ne sont pas francs au Sénégal. Le soleil baisse, descend, puis disparait dans une genre de brume. Il ne tombe pas dans la mer comme on pourrait s'y attendre. Des explications? 

- Ici, on lave les chèvres dans la mer! C'est une activité qui consiste à pousser une chèvre récalcitrante dans l'eau puis à l'arroser vigoureusement. Plaisir garanti! À ce sujet, Mattéo a fait récemment bien rire ses parents quand, dans son bain, il a arrosé son petit frère Antoine en lui disant "tu es ma chèvre"!

À bientôt!

2 commentaires:

  1. Vous manquait-il un vaccin? Je vous trouve tellement courageux de poursuivre l'itinéraire dans ces conditions et de continuer le blogue en restant si intéressants. K

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  2. "On a quitté avec la pirogue de 10 heures". Cette phrase fait son petit effet...
    MM

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