vendredi 3 mars 2017

Saint-Louis

Salut! C'est MP!

Outre le fait que j'avais l'impression d'être à l'article de la mort avec mes courbatures, mon mal de tête et ma gorge en feu, le trajet de bus a été étonnamment rapide, environ 2h pour 100 km! Il faut dire que l'autobus n'est pas le moyen de transport le plus efficace au Sénégal...

Arrivés à Saint-Louis, on a traversé à pied le pont qui rejoint le centre historique situé sur 2 îles, pont de métal de 500 mètres designé par Gustav Eiffel, qui donne de beaux points de vue sur la ville. Saint-Louis est une ville située sur l'embouchure du fleuve Sénégal, qui est devenue le centre commercial et administratif de la colonie française. Il y a donc de nombreux bâtiments à l'architecture coloniale, qui sont malheureusement presque tous délabrés... Ça reste quand même une ville qu'on pourrait qualifier de joliment décrépite! L'ambiance y est bien plus calme qu'à Dakar.

On a affronté pour la première fois (et pas la dernière!) l'intersection débilitante près de notre hôtel, auberge de jeunesse sur papier mais très loin d'avoir l'ambiance habituelle. Bon ce n'était pas trop mal mais c'était un peu aseptisé! J'y ai pris une douche salvatrice dans l'objectif de faire diminuer mon début de fièvre et j'ai dormi un peu pour reprendre des forces. Une recherche rapide de mes symptômes donnait le choix entre un début de malaria, de dengue, de chikungunya, de maladie du sommeil ou d'un bête influenza. Heureusement, l'incubation et la présentation clinique ne fittaient pas parfaitement avec les 4 premiers...!

On est ressortis pour aller grignoter quelque chose de léger dans une boulangerie-pâtisserie et on est revenus à l'hôtel pour se coucher tôt! Malheureusement, la nuit n'a pas été fort réparatrice pour personne avec mes mouvements incessants pour trouver une position confortable malgré l'impression que je venais de courir deux marathons... Ah et il y a aussi eu les chèvres toute la nuit et les muezzins à 6:30 du matin. Probablement parce qu'on est plus proches de la Mauritanie, il y a une quantité impressionnante de mosquées à Saint-Louis et on dirait qu'ils font l'appel à la prière 20 fois par jour. Dépendamment du muezzin, c'est vraiment beau, sauf à 6:30 du matin quand on a mal dormi!

Après le déjeuner rudimentaire de pain blanc et de confiture (standard au Sénégal d'après ce qu'on a pu constater), on est lentement partis explorer la ville. Première étape: sortir de l'argent, parce que le guichet la veille n'avait plus d'argent. Même s'il était presque midi, ils n'en avaient toujours pas remis. On a donc traversé le pont pour aller voir l'autre guichet de la même compagnie (qui a une entente avec Tangerine pour limiter les frais): temporairement hors d'usage dû à une absence de réseau. Le gardien nous a donné une réponse honnête par rapport à quand le service allait revenir: "peut-être dans pas longtemps, peut-être dans beaucoup de temps"!

Cette visite de l'autre côté du pont nous a permis de voir un autre côté que le Saint-Louis "touristique". Il y avait un marché, avec des odeurs nauséabondes de poissons et fruits de mer, beaucoup de charrettes, et, pour ajouter au dépaysement, quelques Mauritaniens avec leurs habits touaregs (large foulard sur la tête et autour du cou, avec une longue tunique)! Superbe!

Il nous restait quand même assez d'argent pour la journée donc on est allés dîner dans une crêperie tenue par un Béninois sympathique! On a débuté notre visite officielle par le sud de l'île, à tendance plus catholique avec sa grosse cathédrale coloniale plus ou moins en état elle aussi. L'architecture coloniale se sent encore sur les rues principales de Saint-Louis, avec des bâtiments colorés/pastels avec des balcons au deuxième étage. Certains sont devancés par des grands buissons avec des fleurs roses ou oranges, ce qui nous fait dire que une fois rénovée, cette ville, une beauté qui s'ignore, pourrait devenir une deuxième Carthagène!

Certaines sections sont plus classiquement africaines, le tout fait vraiment joli avec des petites ruelles partout et les enfants qui jouent au soccer dans la rue! Entre les deux îles allongées, il y a le stationnement des pirogues, collées les unes sur les autres à perte de vue! Elles sont toutes colorées et celles qui vont en haute mer sont quand même grosses (environ 10 mètres). Elles vont par paire pour celles qui font la pêche au filet: on les reconnaît avec leurs mêmes dessins et les mêmes drapeaux au devant!

Pas trop loin de la place centrale, la place Faidherbe (pas tant extraordinaire), on s'est fait aborder par Moctar, un pêcheur fin cinquantaine, qui voulait savoir comment on aimait le Sénégal. On s'est arrêtés un peu (sinon les gens sont vexés) et on a finalement jasé longuement. Il nous a parlé de son métier de pêcheur (il part plusieurs jours de suite en mer, à dormir sur des bancs en bois dans la pirogue!), à quel point c'était un métier difficile et que la majorité de l'argent allait au patron qui possédait les pirogues. Il nous a aussi raconté qu'il avait fuit sur une pirogue clandestine en 2002 pour entrer illégalement en Espagne. Ils étaient 98 initialement et il en est resté 34 à la fin. Comme le trajet a duré 12 jours plutôt que 7, il a manqué d'eau et de nourriture et les gens ont dû boire leur urine, sans compter la maladie qui s'est déclenchée dans le bateau... Ils ont été secourus par La Croix Rouge, qui leur a donné des soins (et sauvé la vie) et se sont faits arrêter par la police espagnole. Après quelques jours, où ils se faisaient passer pour des habitants de pays en guerre dans le but d'avoir le statut de réfugiés, la police leur a proposé que s'ils disaient la vérité, ils leurs permettaient de rester et de se trouver du travail. C'était faux, et ils ont été mis sur l'avion suivant, menottés jusqu'à Dakar... Quelle histoire! Et dire que la même chose arrive encore aujourd'hui avec la crise des migrants en Méditerranée...

Puis on a jasé de tout et de rien, avant de le remercier pour la conversation et qu'il nous demande finalement de l'argent... Évidemment , toujours l'argent. On vous avoue qu'on a vraiment cru que ce gars ne nous avait pas raconté tout ça afin qu'on lui donne quelque chose... Après une 30aine de pays visités, on ne sait toujours pas comment réagir à ça et ça fait qu'on a moins envie d'avoir des conversations avec les habitants, par anticipation que ça va mener à un malaise...

On a marché vers le nord de l'île en philosophant sur le sujet puis on est revenus à l'hôtel pour que je me repose un peu pendant que François tentait un jus local, le jus de gingembre: piquant et astringent comme un alcool fort!

Puis on est allés voir une des attractions saint-louisiennes: le retour au port des bateaux de pêche! Activité économique numéro 1 de la ville, il y  a un village de pêcheurs sur la deuxième longue île. Y habitent 20 000 personnes sur un territoire de 300 mètres carrés! C'est la même densité de population qu'à Calcutta paraît-il! Et on peut en effet y voir des airs d'Inde, même si on y est jamais allés... C'est probablement dans les quartiers les plus pauvres qu'on ait vus jusqu'à présent et c'était noir de monde! Beaucoup d'enfants, qui nous disaient bonjour comme si on était une vraie attraction, des calèches-taxis, des animaux, des déchets, des maisons minuscules en tôle... Étourdissant! On a marché le long de la rue principale, d'où partent des ruelles parallèles et on se sentait vraiment dans un autre monde! Autant on avait l'impression de ne pas y avoir notre place (on disait Salam aleykoum à tout le monde pour dissiper notre malaise) qu'on se sentait quand même en sécurité. C'était un spectacle euphorisant que j'aurais du mal à vous décrire!

Arrivés à la section industrielle après une 20aine de minutes de marche, on a bifurqué vers la plage en passant par un entrepôt/étal couvert où ils font je ne sais quoi avec les poissons mais ça ne sentait pas la rose... Puis il y avait des pirogues sur la plage et on s'est rendus proche de l'eau pour voir le déchargement des bateaux. On a probablement manqué le moment précis où ça arrive mais on en a vu quelques unes! La pirogue s'échoue sur le sable et ils sortent les caisses en styromousse qui contiennent les poissons, les trient selon les espèces, et là un tapon de personnes arrive et ils gesticulent en négociant des prix pour amener les poissons chez eux (?) ou à des camions. Il y avait quand même de l'agitation sur la plage, dont des femmes assises dans le sable qui retiraient les écailles des poissons. Bien sûr, on s'est fait aborder par quelques Sénégalais mais ce qui différait cette fois était que la majorité d'entre eux ne parlaient que peu français! Preuve que le Wolof est la langue maternelle et que le français est appris ensuite à l'école!

On a marché un peu plus loin jusqu'au cimetières des pêcheurs, dans lequel on a pas pu entrer soit parce que j'étais une femme, soit parce que je n'étais pas assez bien habillée? On a pas tout compris en Wolof... Toujours est-il qu'on est partis en revenant par une rue défoncée qui donnait devant les pirogues à quai, se faisant courir après par des enfants qui nous touchaient ou voulaient jouer avec le sac.

En éternels optimistes (qui commençaient à manquer de fonds), on est revenus à la banque... qui ne fonctionnait toujours pas! Pourtant, on nous avait "assuré" que le technicien allait venir durant l'après-midi... Hé bin, l'adage d'Erwan comme quoi on y arrive jamais du premier coup au Sénégal était vrai encore une fois! On nous a conseillé d'aller à celle l'autre bord du pont, qui marchait semblait-il. La petite marche sur le pont au soleil couchant était bien belle, mais le guichet ne marchait toujours pas, of course! "On nous a conseillé d'aller à celle l'autre bord du pont". Ouais c'est ça, on va aller chez un concurrent à la place. Honnêtement, depuis le début du voyage, je pense que sortir de l'argent fonctionne 1 fois sur 4! Imaginez le tollé si tous les guichets d'une banque chez nous ne fonctionnaient pas pendant quelques heures! Ici c'est la norme!

On a terminé notre journée en mangeant un couscous et du jus de bissap puis on est revenus à l'hôtel pour reprendre des forces!

3 commentaires:

  1. Vous êtes la minorité très visible. Et très dépaysée. Diriez-vous que c'est le summum parmi votre 30aine de pays? K

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    1. Bonne question! On en a discuté et on n'a pas été capables d'arriver à une réponse! Presque tous les pays qu'on a visités ont quelque chose de dépaysant mais on n'arriverait pas à les classer par ordre...!

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  2. 20000 personnes sur un territoire de 300 mètres carrés? C'est inimaginable! J'aimerais bien que vous m'en parliez davantage à votre retour: voir la réalité des plus pauvres de la planète doit dire quelque chose sur notre humanité...?

    Madeleine

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